vendredi 21 décembre 2007

L'écume des mots


Ma plume vogue sur le cours d'une encre noire, s'écoulant doucement entre les rives escarpées de mes attentes. De chaque coté de ce fleuve obscur se dressent les troncs décharnés des jours fanés de mon existence. Se retourner est impossible. Les flots me charrient, ridicule fétu. Je suis balloté entre les récifs de la réalité. Plus acérés que d'autres, certains viennent me porter une estocade, blessant un peu plus une âme née sous le signe de l'hémorragie existentielle.

J'atterris violemment sur la grève. Les pores de ma peau nue sucent le goût âpre de la vie. Je frissonne. Quels sont ces gens flétris devant moi qui me dévisagent de leurs yeux morts ? Sous un ciel laiteux dégoulinant d'indifférence, l'assemblée s'écarte sans un mot. Une femme s'avance en pleurant. Des chaînes sont attachées à ces pieds. Elle traîne péniblement derrière elle le boulet de mon enfance avortée. Dans sa main réside les chroniques apocryphes de mes nuits. Elle s'écroule épuisée sur le sable. Ses cheveux, filaments d'Idéal oxydé, lui recouvrent le visage. Sa bouche édentée s'ouvre pour hurler le silence de mes souvenirs. Superbe dans sa souffrance, je m'abreuve de son agonie. Je m'approche de la muse et me penchant, mes lèvres viennent tendrement effleurer son front. Sa bouche expire un souffle tiède que vient essorer la main de l'angoisse.

Et tout en l'embrassant, je la poignarde de la pointe de ma plume. A la source de son sang, mes vers prendront leur envol dès demain.

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